Lectures du mariage

25 août 2009

Pour la cérémonie, nous devons choisir une ou deux lectures, un psaume et un Evangile : la question de comment exprimer son identité et son originalité tout en suivant une tradition a été résolue de cette manière par l’Eglise.

Mon fiancé et moi avons donc commencé à nous demander ce que nous choisirions il y a déjà un moment. Nous allons à la messe ensemble presque tous les dimanches, donc nous sommes familiers avec les Evangiles et les psaumes. Evidemment, certains d’entre eux sont plus adaptés que d’autres à un mariage, tout comme certains sont plus adaptés que d’autres à un enterrement. Etant donné que les deux dernières fois où il a été question de choisir des textes dans mon entourage étaient des enterrements, c’est un vrai plaisir d’y penser pour un événement heureux !

Photo : jamelah

Photo : jamelah

Mes Evangiles préférés sont l’Evangile de Noël et la multiplication des pains (Evangile de Matthieu, chapitre 14, versets 14 à 21, même si l’histoire existe aussi chez Marc, Luc et Jean). Mais je ne nous voyais pas les utiliser pour le mariage.

Mon fiancé pensait à la maison bâtie sur le roc (Matthieu, 7, 21.24-27) :

« Ce n’est pas en me disant : « Seigneur, Seigneur », qu’on entrera dans le Royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. […] Ainsi, quiconque écoute ces paroles que je viens de dire et les met en pratique, peut se comparer à un homme avisé qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n’a pas croulé : c’est qu’elle avait été fondée sur le roc. Et quiconque entend ces paroles que je viens de dire et ne les met pas en pratique, peut se comparer à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont rués sur cette maison, et elle s’est écroulée. Et grande a été sa ruine ! »

Fonder notre mariage sur le roc, faire la volonté de Dieu, ça me plaît. A notre dernière heure de préparation au mariage (avec notre petit bouquin, il faudra que j’en parle ici), j’ai répondu à « quelle est ma prière » : fonder une famille chrétienne, être là pour les autres et que notre exemple les inspire. J’espère vraiment arriver à ça.

Mais, dans cette même optique, nous avons trouvé un texte qui nous plaît encore plus… à suivre…

Petit mot en passant : nous sommes catholiques pratiquants. Je ne me voyais pas exclure cette partie de nous de ce blog, parce que notre religion façonne profondément notre identité et nos valeurs. Je pense que les religions sont si importantes dans la construction des êtres et dans leurs comportements quotidiens que vouloir en faire une affaire purement privée n’est pas très réaliste, ou pas très honnête. Il me semble au contraire que parler ouvertement, respectueusement, de nos convictions religieuses, surtout avec ceux qui ne les partagent pas, fait progresser la tolérance, la connaissance et, j’espère, le cheminement spirituel de chacun.

Donc sauf opposition massive de votre part, je parlerai un peu ici de la messe et de sa préparation.

C’est une sorte de querelle des anciens et des modernes… Les magazines et sites sur le mariage (et les wedding planners, évidemment, c’est leur argument commercial) propagent l’idée qu’un mariage, c’est un événement unique (certes), qui doit ressembler à ses organisateurs et se libérer si possible des traditions poussiéreuses qui y sont associées. Rien que de très consensuel dans ce discours… Moi-même, j’ai consacré une catégorie entière de ce blog aux traditions à la con : la liste de mariage, la jarretière (et le pot de chambre !), la bague de fiançailles, les dragées, etc.

Mais en même temps, le mariage n’est pas un simple contrat entre deux individus. Sujet classique de droit de la famille en L3 : le mariage est-il un contrat ou une institution ? Les deux mon général. Une institution, nous dit Wikipedia, est « une structure d’organisation d’origine humaine et destinée à s’inscrire dans la durée ».

Donc en se mariant, on accomplit un acte certes plein de sens et individuel, mais qui s’inscrit dans une certaine tradition, une manière de voir et de fonctionner de la société.

J’ai pensé à ça récemment en allant à des enterrements. Le tailleur noir pour les enterrements, ça tient trop chaud en juillet, surtout avec des collants, mais ça permet au moins de ne pas réfléchir à sa tenue et de se concentrer sur la cérémonie elle-même. Et on est sûr d’éviter le faux pas. ça marche aussi pour les bonnes manières à table. Et probablement pour les mariages « traditionnels », notamment religieux, qui sont codifiés et chorégraphiés. Là la bénédiction des alliances, là la valse des époux, là le découpage de la pièce montée, ça se déroule tout seul et chacun sait ce qu’il a à faire. Pas forcément très fun, mais efficace.

Là où tout cela devient encore plus sioux, c’est quand les idées originales pour les mariages se répandent et deviennent… une mode. Qui ensuite, soit se démode (et vous avez l’air malin sur vos photos dix ans après), soit devient une tradition. Prenez la robe de mariée par exemple. La très intéressante discussion entre ma cousine Athénaïs et ma future belle-mère dans les commentaires de l’article précédent (merci à vous deux !) montre bien comment les tenues pour les mariages ont évolué. Et la robe blanche, qu’on considère comme le sommet du classicisme, ne date en fait que du XIXe siècle…

Alors… chercher l’originalité, est-ce une façon de réinterpréter des traditions en les enrichissant ? Trop d’originalité tue-t-il l’originalité ? Les traditions sont-elles pratiques, ou pleines de sens, ou ni l’un ni l’autre ?

Et finalement, comment s’approprier et personnaliser une cérémonie à laquelle se livrent des centaines de milliers de gens par an, sans la dénaturer ?

… au son d’une marche nuptiale ? Chacun donnant le bras à son parent de sexe opposé ?

On peut aussi faire plus original. Comme ce couple du Minnesota !

Rendons à César ce qui est à César : c’est mon fiancé qui a trouvé la vidéo et me l’a signalée…

Bon week-end tout le monde !

J’ai eu la chance d’être invitée, dimanche dernier, au mariage de la fille d’un ami de la famille de mon fiancé. Les organisateurs se reconnaîtront s’ils passent par là, merci à eux, c’était génial !

Pour situer un peu la chose : les mariés, O. et D., sont des jeunes gens de notre âge. Ils avaient invité environ 400 personnes, c’est franchement impressionnant. Et, comme ils sont juifs orthodoxes, il y avait quelques particularités, vestimentaires en particulier (pour les femmes, se couvrir les bras et porter une jupe au moins au genou, les femmes mariées se couvrent les cheveux ; pour les hommes, la kippa).

Le mariage avait lieu en plein air, sur une terrasse avec une vue sublime. Un dais nuptial avait été monté.

Voilà, un peu comme ça (c) yosefsilver

Voilà, un peu comme ça (c) yosefsilver

Le mariage avait lieu à la tombée du jour, c’était très bien calibré : la cérémonie a commencé alors qu’il faisait encore jour, et il faisait sombre quand elle s’est achevée. Le moment où la nuit tombe est considéré comme propice — et nous a offert un paysage sublime, accessoirement.

Le rabbin déplie la Ketoubah, le contrat de mariage, et la fait relire par les témoins. Ensuite, le fiancé, vêtu de blanc en signe de pureté, de royauté mais aussi de fragilité, revêt sa fiancée d’un voile de dentelle blanc offert par son père, puis son futur beau-père lui remet un châle de prière dont il se drape.

Le fiancé a enuite été escorté par une foule bondissante d’amis, qui chantait joyeusement,tous vêtus de pantalons noirs, et chemises blanches, jusqu’au dais. Les autres hommes de la noce suivaient. Les chanteurs sont ensuite retournés chercher la mariée et l’ont escortée de la même manière jusqu’au dais, suivis des femmes. Au passage, j’ai remarqué que les femmes étaient toutes vêtues de couleurs vives, qui tranchaient joyeusement avec les atours noirs et blancs des hommes. En effet, quand les hommes se sont mis à porter des costumes sombres au XIXe siècle, à la base c’était pour faire mieux ressortir les robes colorées des femmes. On a tout tué avec nos stupides « petites robes noires »…

Le dais était entouré de musiciens, qui se sont mis à jouer un air lent, langoureux, à l’arrivée de la mariée. Au bras de sa mère et sa future belle-mère, elle a fait sept fois le tour du dais, lentement, visiblement très émue — et le marié l’était au moins autant.

La suite est bien décrite par ce passage du Roman d’Odessa, par Michel Gurfinkiel* : « [Le rabbin] officie. Il bénit une coupe de vin puis prononce la bénédiction du mariage : « Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu et Roi du monde,  qui nous a sanctifiés par tes commandements et institué les lois gouvernant les unions entre hommes et femmes… » Il tend ensuite la coupe [au fiancé] puis à [la fiancée], qui soulève son voile pour boire. Le fiancé passe ensuite l’anneau à l’index de la fiancée. Le rabbin égrène, un à un, les mots que le fiancé doit alors prononcer : « Voici, tu m’es consacrée par cette bague, selon la Loi de Moïse et d’Israël ». [Le fiancé] les répète, un à un. »

Suivent sept bénédictions nuptiales prononcées par des notables — l’un d’entre eux avait visiblement du mal à déchiffrer l’hébreu… Puis le marié brise un verre (en souvenir de la destruction du temple de Jérusalem) et tout le monde crie « Mazel Tov ! »

Après… Contrairement à d’autres mariages auxquels j’ai pu assister, on a échappé au moment où chaque invité se sent obligé d’aller féliciter personnellement les mariés, heureusement, je trouve que ça ressemble beaucoup trop aux condoléances à la fin d’un enterrement.

Les mariés avaient choisi un service très ingénieux : nous étions placés à des tables rondes d’une dizaine de personnes (bien constituées, mon fiancé et moi avons écopé de voisins de table charmants et très intéressants), et les serveurs ont posé sur la table plusieurs plats, dans lesquels nous nous sommes servis comme des grands. Du coup, ce n’est pas trop formel, et nous avons pu manger ce que nous voulions, dans les quantités que nous voulions — eh oui, un mariage où on sort de table pas ballonné, ça existe ! En plus, c’était délicieux !

On a commencé à danser entre l’entrée et le plat. Mariage orthodoxe oblige, nous avons dansé séparés, les hommes et les femmes de part et d’autre d’un paravent. Le père de la mariée nous a expliqué que cela permet à chacun — et aux femmes en particulier — de se sentir plus libres, et donc de se lâcher plus. C’est peu de le dire… les danseuses dégagaient une énergie inouïe, c’était joyeux, on sautait dans tous les sens. Débutante que je suis, j’ai été vite fatiguée, mais il paraît que l’endurance vient avec la pratique, la soeur de la mariée m’a raconté qu’elle allait à 20 mariages par an en moyenne !

Voilà… que dire de plus ? C’est très difficile de raconter le mariage, c’était beau, c’était émouvant, et je ne sais pas retranscrire cette ambiance unique… Surtout, le mariage était complètement dépourvu des chichis qui m’énervent, les femmes coincées du c*l avec leur chapeau, les hommes engoncés dans leur cravate — eh oui, presque aucune cravate à l’horizon ! — le découpage cérémonieux de la pièce montée… Ne restait que l’essentiel : deux jeunes gens qui s’aiment, heureux de s’unir devant leur famille et leurs amis venus de partout et de fêter ça. J’espère que nous pourrons faire une cérémonie aussi belle.

(* Pour en apprendre plus sur les mariages juifs, je vous conseille ce livre, paru aux Editions du Rocher. On y trouve, entre autres, la description d’un mariage, mais aussi l’histoire de la ville d’Odessa par le biais des personnalités qui y ont vécu, notamment Jabotinsky, l’un des fondateurs du sionisme. Et le style de l’auteur vaut le coup à lui tout seul.)