J’ai déjà mentionné ici que j’aimais bien les statistiques. Comme nous parlions de mariage catholique, j’ai eu la curiosité de chercher combien de mariages catho étaient célébrés en France…

Bah on pense ce qu’on veut de l’Eglise catholique, ils sont quand même super bien organisés ! Une recherche « nombre de mariages catholiques en France » sur Google m’a envoyée directement sur le site de la Conférence des évêques de France, qui présente de très instructifs tableaux statistiques.

On y apprend que les mariages catholiques sont en recul quasi constant depuis 1990, tout comme les baptêmes, même si les baptêmes des plus de sept ans progressent. En 2007, dernière année connue, 83 507 mariages catholiques ont été célébrés, dont 70 967 où les deux conjoints étaient catholiques et 12 542 où un seul conjoint était catholique. Dans le même temps, les mariages civils ont fluctué : en recul de 1990 à 1995 (point bas, avec 250 651 mariages), ils ont ensuite augmenté jusqu’à atteindre 305 500 mariages en 2000, puis diminué à nouveau, pour se stabiliser à 274 000 en 2006.

Une petite analyse de ces chiffres nous montre que le mariage catho perd du terrain en valeur relative : de 51% des mariages en 1990, il est passé à 32,5% en l’espace de 16 ans. Dans le même temps, les mariages mixtes (entre un catho et un non catho) sont passés de 7 à 15% du total des mariages catholiques.

Et pourtant, une récente étude IFOP indique que 64% des Français se disent catholiques, les autres se partageant entre 3% de protestants, 5% déclarant une autre religion et 28% sans religion. Les « messalisants », définis comme les personnes déclarant se rendre à la messe tous les dimanches, représentent 4,5% de la population, alors que les pratiquants occasionnels représentent un quart des catholiques, soit environ 16% de la population.

Nous avons donc selon l’IFOP 16% de la population française formée de catholiques pratiquants occasionnels, 4,5% de « messalisants » et 43,5% de catholiques non pratiquants. Or, on a vu que 32,5% des mariages sont des mariages catholiques. Ce chiffre est curieux : il ne correspond ni aux messalisants, ni aux pratiquants en général, et encore moins à l’ensemble des catholiques.

Je me suis demandée comment expliquer ça, et il existe à mon avis plusieurs hypothèses :

– soit les catholiques se marient moins souvent que les autres. Peu probable : 64% de catholiques pour 32,5% de mariages catholiques, cela ferait énormément de célibataires parmi les catholiques. Ou de prêtres et de religieux, par définition célibataires, mais ça se saurait s’ils étaient si nombreux. Mais les remariages de divorcés, interdits par l’Eglise, pourraient y être pour quelque chose : les divorcés représentent en 2007 19,2% des hommes et 18% des femmes qui se marient, d’après l’INSEE.

– soit les catholiques pratiquants sont plus enclins à se marier que les autres. Après tout le mariage est un sacrement pour les catholiques, et le concubinage n’est pas précisément bien vu par l’Eglise. On pourrait donc imaginer que les 20,5% de catholiques pratiquants dans la population française constituent les 32,5% de mariages catholiques observés par an — même s’il faudrait raffiner l’estimation pour inclure les mariages mixtes. Mais en 1990, les catholiques pratiquants étaient déjà presque à leur niveau actuel, alors que plus de la moitié des mariages étaient des mariages catholiques…

– soit on suppose que les catholiques se marient sensiblement à la même fréquence que les autres, et dans ce cas les mariages catholiques concernent à la fois les catholiques pratiquants, les non pratiquants et ceux qui ne se déclarent pas catholiques dans les enquêtes INSEE mais veulent quand même se marier à l’église (parce qu’ils épousent un catholique, pour faire plaisir à leur tante Gertrude, « parce que c’est joli » ou pour toutes sortes de raisons des plus légitimes aux plus futiles).

Cette troisième hypothèse est celle qui correspond le mieux à mes observations empiriques. Si on la croise avec la diminution du taux de mariages catholiques parmi les mariages, on peut supposer que, pour les non croyants, les raisons qui poussent à se marier à l’église deviennent moins puissantes (il y a moins de catholiques, donc moins de gens qui épousent des catholiques, les tantes Gertrude d’aujourd’hui font moins peur que celles d’il y a vingt ans, on commence à avoir honte de se marier à l’église juste parce que c’est joli…)

J’avoue que, pour ma part, ça ne me gêne pas que les non croyants se marient moins souvent à l’église, j’ai toujours trouvé ça hypocrite pas très cohérent. Mais l’Eglise catholique a une vocation missionnaire et cherche depuis 2000 ans à grossir ses rangs, pas à s’adresser uniquement à un petit groupe — à l’inverse du judaïsme, qui s’adresse à un peuple élu et ne cherche pas à convertir qui que ce soit, voire n’aime pas beaucoup les conversions. Et d’autre part, l’étude IFOP montre que la désaffection la plus importante est celle des messalisants, dont le nombre diminue bien plus vite que celui des catholiques en général.

Donc l’Eglise doit se dire, et on la comprend, que les couples qui s’adressent à elle pour se marier sont souvent non pratiquants, voire complètement dépourvus de connaissance de la Bible et de l’Eglise — et ce n’est pas l’école qui risque de les cultiver sur le sujet… groumpf. Il ne faut ni les faire fuir, ni leur donner un sacrement à la légère sans un minimum de cathéchisme. Comme je le disais élégamment dans le titre, l’Eglise a le cul entre deux chaises. D’où sans doute les bizarreries de mon bouquin de préparation au mariage, dont mon chéri et moi ne sommes manifestement pas la cible principale…

Parfois, ça m’énerve…

29 juillet 2009

J’ai 22 ans et je vais me marier. Pour ne rien arranger je suis catholique et je veux avoir des enfants. Plusieurs. Avant trente ans si possible.

A part ça, j’ai fait des études supérieures longues, chères, à Paris où je vis toujours. J’y ai rencontré beaucoup de mes amis et pas mal de connaissances que je vois souvent dans les crémaillères, anniversaires et autres. Etant donné le coût de la vie ici et ce que nous avons tous investi dans nos études, il y a un biais de sélection envers les carriéristes parmi les gens que je fréquente. Sauf que ce n’est pas juste eux. Il y a aussi la presse féminine, les blogs, et parfois même ma famille.

J’ai cherché récemment des blogs qui parleraient de mariage, j’avais envie de connaître plus de gens qui allaient se marier, d’échanger avec eux. Et j’ai été sidérée par la façon incroyablement négative dont la majorité des blogs que j’ai vus parlaient du mariage. Et de l’engagement. Et du fait d’avoir des enfants.

Alors parfois je voudrais juste leur dire :

– Vous êtes une femme, urbaine, vous avez 32 ans, vous êtes célibataire et sans enfant, et déterminée à le rester pour « profiter de la vie », un enfant vous y penserez dans dix ans ? Vous n’avez rien d’une rebelle. Non, franchement, malgré tout ce que pouvez vous raconter, cette attitude est complètement mainstream. Dans les films, dans la chick-lit, dans les grandes villes en général.

– Il n’existe pas d’assurance contre la rupture. Ce n’est pas parce que vous vivrez dix ans ensemble avant de vous marier que vous serez sûrs de ne pas divorcer. Il y a plein de raisons légitimes d’attendre longtemps avant de prendre un engagement, échapper au divorce n’en est pas une.

– Vous vous faites généralement chier dans les mariages ? Bah oui, c’est le cas de plein de gens. Ce n’est pas une raison pour ne pas aller à ceux de vos amis.

– Vous ne voulez pas que vos parents vous imposent leurs invités et leurs choix ? Bah ne les laissez pas payer. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. J’ai même lu une fille qui disait qu’elle n’avait pas invité ses parents à son mariage mais qu’ils avaient envoyé un chèque et que franchement c’était le moins qu’ils puissent faire. Elle l’a encaissé sans scrupules.

– Vous ne voulez pas d’une « vraie » robe de mariée blanche ? Pourquoi pas, mais il se trouve que : 1. ça aussi c’est très mainstream, les mariées de nos jours s’imaginent plus une robe de soirée qu’une robe de mariée. Ma future belle-mère dirait que c’est parce que les occasions de porter une robe de soirée se font de plus en plus rares. 2. Par pitié, arrêtez de dire que la robe blanche symbolise le fait que la mariée est vierge. Ce que la robe blanche veut montrer, c’est que la mariée est en état de grâce.

– On ne se marie pas à l’église parce que c’est joli. D’ailleurs, on n’écrit pas « se marier à l’Eglise », l’Eglise avec un E majuscule désigne la communauté des fidèles. Le mariage religieux a une vraie signification pour les couples croyants, et moi en tant que catholique j’ai vraiment du mal à voir des gens qui n’y croient pas une seconde singer le mariage catho sous prétexte que c’est joli. Moi je trouve les mariages juifs très beaux, ce n’est pas pour autant que je vais réclamer de me marier dans une synagogue.

J’ai écrit ce billet il y a quelque jours, sous le coup de l’exaspération. J’ai hésité à le poster mais bon, le voilà. Qu’en pensez-vous ?