Mon amie Violaine m’a offert pour mon anniversaire une rareté : l’Encyclopédie de la maîtresse de maison, par Françoise Perret et Charlotte de la Mesnière. Publiée en 1968, cette encyclopédie offre une perspective tout à fait saisissante sur la France de cette époque-là…

La couverture dudit bouquin

La couverture dudit bouquin

La préface nous apprend que le livre a pour but d’enseigner à ses lectrices « le métier de maîtresse de maison », qui n’est enseigné dans aucune école (quel dommage… 😉 ). Les auteurs explorent ensuite méthodiquement les divers aspects de ce passionnant métier, au fil de 9 chapitres : l’installation et les rangements, l’entretien et ses trucs, la cuisine et la diététique, la table et le savoir-vivre, petites et grandes réceptions, l’argent et les papiers, les vacances et les loisirs, la sécurité et la santé, et enfin « l’organisation de votre métier de femme » (sic), qui se subdivise en « votre vie de femme d’intérieur », « votre vie de mère », « votre vie d’épouse » et « votre ennemi : la fatigue » — j’aurais dit la neurasthénie, moi…

L’organisation d’un mariage est brièvement traitée au sein du chapitre concernant les réceptions. C’est assez amusant. Le chapitre commence par le trousseau, et précise combien de draps, de serviettes de toilettes, de taies d’oreiller, de nappes et autres sont nécessaires. Le tout doit être marqué aux initiales des mariés et doit donc être commandé dès l’annonce des fiançailles. C’est assez drôle comme un usage des familles modestes, où la jeune fille faisait son trousseau parce qu’elle n’avait pas de dot, a été adapté par les familles plus bourgeoises, puis a disparu, je ne sais pas vraiment quand.

Illustration en couleur : la mariée

Illustration en couleur : la mariée

La suite de la lecture me rendrait presque nostalgique de cette époque bénie : « la robe de mariée sera essayée peu de jours à l’avance à cause de sa fragilité. » Ah… et dire que les vendeuses actuelles exigent des essayages plusieurs mois avant le mariage…

Quant aux faire-parts, on considère aujourd’hui que le faire-part « traditionnel » est celui où les parents des deux mariés invitent à la fête, alors que dans la version moderne le couple invite lui-même. Mon bouquin indique que, dans les années 60, c’est la mère de la mariée qui invite version tradi, ou les mères des deux mariés version moderne.

En revanche, pour le repas, les auteurs admettent aussi bien le cocktail que le repas à table. Mais semblent opter pour un déjeuner de mariage plutôt qu’un dîner.

Et puis évidemment, toute une section est consacrée aux cadeaux de mariage, avec des listes de choses toutes plus inutiles et convenues charmantes les unes que les autres. Je commence à comprendre les tenants de la liste de mariage. Parce que vous je ne sais pas, mais moi, me faire offrir des casseroles de couleur, de la porcelaine décorée, un fer électrique, un livre de raison (c’est quoi au juste ?), un porte-parapluie, une pendule… Moui, bof.

A la base je n’ai pas d’opinion sur les fleurs. On m’en a rarement offert et ça ne me manque pas. Elles sont belles dans la nature mais faire l’effort de cultiver soi-même des trucs qui ne se mangent pas, bof. Remarquez, il paraît qu’on peut se servir de fleurs en cuisine. Enfin bon, il paraît aussi qu’on peut faire de la cuisine au sperme, ce n’est pas pour autant que c’est appétissant !

Et puis j’ai commencé à lire par-ci par-là des conseils « pour les fleurs de votre mariage ». Alors si j’ai bien compris les fleurs sont censées avoir deux usages lors d’un mariage : le bouquet de la mariée et la déco.

En réfléchissant un peu, je suppose que l’usage de fleurs pour décorer venait du fait que les fleurs poussent gratuitement dans les jardins, et que c’était l’élément de décoration facile, mignon et pas cher des mariés du XIXe siècle à la campagne. Mais j’avoue que j’ai un peu de mal à voir la nécessité des fleurs pour un mariage en hiver à Paris. Parce que si c’est pour détruire son portefeuille et concomitamment la planète à faire venir des fleurs exotiques par avion, il y a peut-être d’autres options possibles… Je ne sais pas moi, des bougies, des mobiles, des personnages en origami ?

Et puis vient le bouquet de la mariée. J’ai cherché, je n’ai pas trouvé d’où venait cette coutume. Il paraît que le fait de lancer le bouquet, vu et revu dans les comédies romantiques américaines, serait en fait une brillante idée des Français de la Renaissance. Il paraît aussi que le marié doit choisir le bouquet, qui doit aller avec la robe bien sûr, mais hors de question pour lui de voir la robe avant le mariage. Quel coupage de cheveux en quatre… Nous, nous avons choisi ma robe ensemble, et quant aux fleurs, je doute que ça passionne mon chéri. En revanche sa mère est tout à fait motivée, on n’aura qu’à choisir ça toutes les deux.

De toute façon c’est vite vu. Mes fleurs préférées sont les coquelicots, et une grande part de leur charme à mes yeux tient au fait qu’on ne peut pas les cueillir sans les tuer. Elles vivent dans les champs, elles restent dans les champs, et meurent plutôt que de renoncer à leur liberté. Sinon, j’aime bien les lys, je les trouve assez élégants. Alors puisqu’il faut un bouquet, deux-trois lys seront très bien. Et on verra bien si mon fiancé réussira à en mettre un à sa boutonnière — si c’est le cas, je ferai une photo !

Enfin bref. Je crois savoir qu’il y a parmi mes lectrices (et lecteurs ? Manifestez-vous !) des gens qui connaissent et aiment les fleurs. Je suis tout ouïe, apprenez-moi. Vous avez même le droit de trouver que j’ai TROP l’esprit de contradiction.

Mais ne comptez pas sur moi pour lancer le bouquet !

C’est une sorte de querelle des anciens et des modernes… Les magazines et sites sur le mariage (et les wedding planners, évidemment, c’est leur argument commercial) propagent l’idée qu’un mariage, c’est un événement unique (certes), qui doit ressembler à ses organisateurs et se libérer si possible des traditions poussiéreuses qui y sont associées. Rien que de très consensuel dans ce discours… Moi-même, j’ai consacré une catégorie entière de ce blog aux traditions à la con : la liste de mariage, la jarretière (et le pot de chambre !), la bague de fiançailles, les dragées, etc.

Mais en même temps, le mariage n’est pas un simple contrat entre deux individus. Sujet classique de droit de la famille en L3 : le mariage est-il un contrat ou une institution ? Les deux mon général. Une institution, nous dit Wikipedia, est « une structure d’organisation d’origine humaine et destinée à s’inscrire dans la durée ».

Donc en se mariant, on accomplit un acte certes plein de sens et individuel, mais qui s’inscrit dans une certaine tradition, une manière de voir et de fonctionner de la société.

J’ai pensé à ça récemment en allant à des enterrements. Le tailleur noir pour les enterrements, ça tient trop chaud en juillet, surtout avec des collants, mais ça permet au moins de ne pas réfléchir à sa tenue et de se concentrer sur la cérémonie elle-même. Et on est sûr d’éviter le faux pas. ça marche aussi pour les bonnes manières à table. Et probablement pour les mariages « traditionnels », notamment religieux, qui sont codifiés et chorégraphiés. Là la bénédiction des alliances, là la valse des époux, là le découpage de la pièce montée, ça se déroule tout seul et chacun sait ce qu’il a à faire. Pas forcément très fun, mais efficace.

Là où tout cela devient encore plus sioux, c’est quand les idées originales pour les mariages se répandent et deviennent… une mode. Qui ensuite, soit se démode (et vous avez l’air malin sur vos photos dix ans après), soit devient une tradition. Prenez la robe de mariée par exemple. La très intéressante discussion entre ma cousine Athénaïs et ma future belle-mère dans les commentaires de l’article précédent (merci à vous deux !) montre bien comment les tenues pour les mariages ont évolué. Et la robe blanche, qu’on considère comme le sommet du classicisme, ne date en fait que du XIXe siècle…

Alors… chercher l’originalité, est-ce une façon de réinterpréter des traditions en les enrichissant ? Trop d’originalité tue-t-il l’originalité ? Les traditions sont-elles pratiques, ou pleines de sens, ou ni l’un ni l’autre ?

Et finalement, comment s’approprier et personnaliser une cérémonie à laquelle se livrent des centaines de milliers de gens par an, sans la dénaturer ?